AVIS DE DENRÉE RARE : BELGE COURAGEUX À L'APPROCHE SUR PISTE GLISSANTE
Il y a quelques temps j'ai reçu un mail, en guise de réponse au billet sur l'expatriation... de la part d'une Belche.
Il s'agissait bien d'un mail, non d'un com classique sur le blog. La personne souhaitait s'adresser à moi, mais sans que son avis ne soit partagé sur le blog, d'où le choix du mail.
J'ai beaucoup apprécié d'avoir enfin une réaction belge puisque, rappelons-le, comme je l'ai expliqué, le Belge ne donne jamais son avis, sauf sur ce qui ne le concerne pas, soit sur ce qui ne le met pas en danger. Et cette attitude m'insupporte.
Cependant, le fait de refuser toute confrontation avec les lecteurs du blog m'a d'abord beaucoup étonnée. Quel intérêt de repondre à un sujet sans vouloir partager son avis ?
Dans un premier temps, je me suis résignée à suivre la volonté de ma lectrice, puis rapidement je me suis dit que c'était mon blog, et que donc ça n'était pas à elle de fixer les règles du jeu. J'écris sur un support de ce type pour démolir du Belche échanger à plusieurs. Je ne recherche pas de correspondants comme lorsque j'étais gamine, pour perfectionner ma pratique des langues étrangères ! En outre, mon blog n'a pas vocation à ressembler à SOS Amitié, où chaque conversation est privée...
Donc après m'être faite toutes ces réflexions, incluse celle selon laquelle, finalement, elle donnait peut-être son avis, mais n'assumait pas plus que ses compatriotes plus hypocrites faux-culs silencieux que les apnéistes en plongée, j'ai décidé, après avoir demandé leur avis à plusieurs copines blogueuses, de résumer son texte avec mes mots et de publier cet avis, puisqu'elle ne voulait pas que ses mots paraissent.
Nous avons échangé quelques mails. Déjà je l'ai remerciée. Logique : elle avait pris le temps de créer une adresse (bien anonyme... ouais, un brin parano quand même !...) pour me répondre, et m'avait gratifiée d'une jolie prose. Puis après deux ou trois échanges, elle a elle-même hésité à être publiée. Chouette, je n'aurais peut-être pas à me farcir le périlleux exercice du résumé de texte ! Mais restait le difficile choix si elle se décidait : commentaire à la suite de mon billet sur l'expatriation, ou nouveau sujet réservé à cette réponse ? Telles étaient les questions que je lui posais puisqu'elle envisageait la publication.
Finalement, elle m'a dit banco pour la publication dans un nouveau billet !
Génial ! On allait donc voir s'il y aurait discussion ou... monologue.
Alors merci chère Belge Secouée !
Je vous imagine déjà hilares, vous disant que je ne la rate pas ! Bah non... c'est le pseudo qu'elle s'est choisi, toute seule, comme une grande. Moi j'aime bien, forcément, l'idée d'un secouage synonyme de " Belge à la masse " !... Mais je ne pense pas que cela ait été son idée !!! (Hé... j'pouvais pas la rater celle-ci ! ;) )
Voici le copié collé du mail de ma Belge Secouée.
"Chère Humeur de Crapaud, (Oui, depuis je lui ai expliqué que je suis Lydoue... et je connais même son prénom ! Le numéro de CB avec le code devrait suivre...)
Tout d'abord, j'imagine que vous vous en douterez en lisant l'adresse e-mail : commenter les blogs ne fait pas partie de mes habitudes. Alors, pourquoi le vôtre ? Parce que je suis belge, et que j'ai été secouée par l'article du 29 janvier 2014. Secouée : à la fois touchée et heurtée, hésitant entre l'envie de vous dire « mer...ci » et « mer...de ! ». Et pourquoi le faire maintenant ? Parce que, suite à cette lecture, j'ai lu tout le blog d'une traite, et que je suis arrivé aux premiers articles, ceux qui parlent de la différence entre un blog et un journal intime : vous avez choisi d'écrire un blog, donc vous attendez des réactions.
Merci, parce que, pour la première fois de ma vie peut-être, je réfléchis à ce que signifie « être Belge », alors que je suis en Belgique. Lorsque je suis à l'étranger, ce questionnement me parait tout à fait légitime : j'écoute ce que les gens autour de moi pensent de mes compatriotes et de moi-même, je ris ou je me vexe, j'acquiesce ou je réfute, j'explique parfois. Et d'une manière générale, par mon comportement, j'infirme ou je confirme les stéréotype courant à notre sujet.
Aujourd'hui, je n'ai pas fait la démarche de sortir de mon pays (enfin, techniquement, si : par un enchaînement improbable de liens d'un blog à l'autre, j'ai voyagé, et j'ai atterri chez vous, mais c'est une autre histoire), et je suis confrontée à ce questionnement. Je considère en général que ce questionnement m'aide à grandir : c'est pour cette raison que je souhaite vous remercier.
Ici, il convient de battre en brèche un préjugé : non, tous les Belges n'ont pas le sens de l'humour, ni de l'auto-dérision. Il existe au moins une personne en Belgique qui ne l'a pas : moi. Alors, je sais bien que vous mettez vos lecteurs en garde (« Ne connaissant pas personnellement chaque Wallon et Bruxellois, je généralise »), mais voilà : cet article m'a blessée. Ceux du 20 mai, du 18 septembre et du 18 octobre 2013 aussi.
Et quand j'ai mal, je dis des gros mots. Donc : merde !
Merde, parce qu'opposer francophones antipathiques et Flamands so cool me semble affreusement léger, même si je comprends la démarche : moi aussi, j'ai l'impression que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, quand je suis entourée de gens dont je ne comprends pas la langue. Et je suis sacrément dégoûtée quand je replonge dans le monde francophone, redécouvrant avec horreur que, parfois, c'est à moi que s'adressent les « hé, la moche » gratuits prononcés en pleine rue, ou que les gens peuvent gueuler comme des poissonniers pour des broutilles, et rester parfaitement silencieux quand il faudrait hurler. Et je crois que, si je maîtrisais la langue des gens qui m'entourent quand je ne suis pas dans un milieu francophone, j'aboutirais à la même conclusion à leur sujet. Par conséquent, je pense que vous arriveriez aussi à cette conclusion.
Merde, parce que si vous, Français, avez été nourris de « les Belges sont sympas et chaleureux », nous, Belges, avons été nourris de « les Français méprisent les Belges, qu'ils trouvent un peu cons ». Donc, vous vous attendez à trouver quelqu'un de sympa et chaleureux, nous nous attendons à trouver quelqu'un de méprisant. Vous agissez en conséquence, et nous aussi. Je comprends votre déception. Je comprends aussi le besoin d'évacuer la frustration en écrivant : c'est aussi comme ça que je gère mes déceptions. Qu'est-ce que j'ai pu pester contre les gens qui m'entouraient lorsque j'étais à l'étranger (quand bien même ils m'avaient accueillie comme une reine !).
Par contre, là où j'ai vraiment envie de vous dire merde, c'est parce que vous le faites sur un blog. Précisément parce que c'est public : ce que vous dites, de la façon dont vous le dites, peut blesser des gens qui ne vous ont pas provoquée. Et entraîner des réactions primaires, genre l'envie de vous envoyer paître, plutôt que d'essayer de comprendre votre point de vue, et d'essayer – avec vous – d'améliorer votre quotidien en Belgique. Oui, je vous en veux, de provoquer dans ma tête des réactions primaires, un peu sur l'air de "La Belgique, on l'aime ou on la quitte".
Voilà, je suis arrivée au bout de mon argumentation. Le but n'était pas de vous demander d'arrêter d'écrire vos humeurs à notre sujet. Premièrement, vous ne m'écouteriez pas. Deuxièmement, je ne suis pas certaine que ce soit souhaitable : je trouve votre méthode d'expression contre-productive, mais je ne prétends pas détenir la vérité absolue.
Par contre, je vous demanderai de ne pas publier ce texte, ni le réutiliser d'une façon ou d'une autre sur le blog, ou tout autre support. Dans la vraie vie, je préfère une discussion « entre quatre z'yeux » avec des interlocuteurs qui ont eu accès à toute l'information, qu'un débat fourré de jugements à l'emporte-pièce proférés par des intervenants peu informés. Je préfère donc vous contacter en privé, et attends que l'éventuelle conversation qui découlerait de ce message reste privée, elle aussi.
Nous n'avons pas gardé les cochons ensemble, et vous ne divulguez pas votre nom, ni votre image, sur internet : moi non plus. C'est pourquoi je signerai simplement « Une Belge secouée ».
Cordialement,
Une Belge secouée. "
Alors, avant de répondre, car je n'ai toujours pas répondu au mail de MA Belche, je vais attendre de voir si certains d'entre vous souhaitent intervenir.
En tout cas... encore une fois, et très sincèrement, merci pour cette prose, ainsi que pour la réflexion ayant abouti à la publication de cette dernière. ;)
Illustration : http://www.geluck.com/boutique-lechat-Livres+de+textes-geluck-23.html